Harcèlement scolaire, j’ai connu

Mon pire souvenir d’école 

 

En me lançant dans ce défi de novembre 2014, à aucun moment je n’avais imaginé devoir me dévoiler autant. Jamais je n’aurai cru parler de ça un jour … et encore moins sur le blog. En effet, ce que je vais te livrer ici, c’est la première fois que je mets des mots dessus. Des mots d’adultes et d’assistante sociale qui plus est 😉

 

Dans ma famille on parlait peu, on échangeait peu. C’était comme ça. Ce constat ne se questionnait pas. D’ailleurs, on avait peu de temps pour cela : ma mère travaillait avec des horaires en décalés et au mieux nous écoutait d’une oreille plus que discrète, occupée à faire 10 000 choses à  la fois. Et puis, je me souviens que lorsque j’abordais un petit souci d’enfant on me renvoyait toujours des conseils de l’ordre du   » laisse tomber », » passe au dessus de ça », « n’y apporte pas d’importance » « tu exagères toujours » …

 

Je pense aussi que j’étais une « proie » facile : timide, mal à l’aise, sans atout physique ou armes psychologique pour me défendre. Les agresseurs peuvent sentir leur victime au 1er regard. La faiblesse, l’isolement et la peur doivent se flairer facilement. Je n’ai jamais rétorqué non plus. Je ne me suis jamais défendue. Je ne savais pas comment faire. J’étais sidérée de peur. Je me remémore mes questionnements : pourquoi il s’en prend à moi, rien qu’à moi  ? Qu’ai je pus faire pour provoquer cette violence ? Je n’ai jamais trouver de réponse. Mais c’est normal : il n’y a pas !!!!

Je ne me souviens pas de comment ça a débuté. Est ce que j’étais élève du primaire ou collégienne ? Ni combien de temps ça a duré : quelques mois, quelques années ? Je ne me rappelle plus de son prénom mais je me souviens de sa stature « de grand » et de sa voix froide et moqueuse : « connasse » « gros thon » « mocheté ». Que des attaques sur le physique. Il lançait sa flèche dès ma montée dans le bus. J’entends encore les autres rigoler, pouffer. Aujourd’hui, je ne serais dire si c’était d’amusement ou de gêne. Il était le seul à m’insulter. Mais personne ne lui a jamais dit d’arrêter. Ni les autres enfants du car,  ni le chauffeur.

Ainsi donc je peux le dire : j’ai été victime de harcèlement scolaire. Ce terme est dans le langage familier aujourd’hui, on en entend parler dans les médias. J’ose penser que les parents sont plus attentifs à leur enfant -élève car ils sont plus informés. Qu’on en parle bien plus à l’école, en famille, sur internet.

 

Les attaques répétées, quotidiennes, je les encaissais sans rien dire mais elles me minaient à l’intérieur. Je sais que ça a contribué ou amplifié mon problème d’estime que j’ai développé quelques années plus tard. Egalement, cette période a marqué le début de mon isolement, le moment où j’ai développé l’idée que j’étais seule , seule contre tous, et que les autres sont tous potentiellement malveillants … ou du moins lâches. J’aurai eu besoin de l’aide d’adulte, de soutien, de protection. Je n’ai pas pu / su demander de l’aide. Personne n’est intervenu.

Ce harcèlement s’est arrêté car je faisais le dos rond. Il a du se lasser.

 

Mais malgré tout cela, je ne me suis pas écroulée. Surement que malgré tout j’avais des ressources personnelles en moi suffisamment fortes pour rebondir. Clairement, ça a mis du temps, des années et une jolie rencontre. C’est mon homme qui m’a apprivoisé, appris à faire confiance, à m’abandonner dans ses bras. Ce sont mes enfants qui m’ont permis de me sentir forte, fière de moi.

 

Je ne me rappelle toujours pas de son prénom mais je sais qui il est. Je l’ai déjà recroisé ces dernières années : il est l’homme qui remet des boites de conserves ou des barils de lessive dans les rayons du Super U. Nos regards se sont croisés. Je me suis montrée fière, digne limite crâneuse de ma réussite : je suis devenue une jeune femme forte, digne. A chaque fois, je vois dans ses yeux qu’il me reconnait mais il esquive mon regard. A quoi pense t il en me voyant ? A t il honte ? A t il eu conscience du mal qu’il m’a fait ?

Alors, les deux fois où je l’ai vu, j’ai passé mon chemin. J’aurais voulu lui parler mais quoi lui dire ?

 

Aujourd’hui, je me questionne aussi sur lui : pourquoi devait il déverser tant de colère, tant de haine ? Qu’est ce qu’il vivait chez lui pour vouloir se sentir supérieur, fort ?

 

Cette histoire, ces dernières années, je lui ai accordé très peu d’importance mais maintenant que j’ai une fille qui est scolarisée, je suis attentive. On se parle beaucoup. On a confiance l’une en l’autre. Et j’espère de tout mon cœur que je saurais repérer les signes de mal être ou qu’elle s’autorisera à me parler des problèmes. Mais ce dont je rêve, c’est qu’elle et son frère et sa soeur, soient épargnés par cette violence ou du moins, qu’ils aient suffisamment de ressource en eux pour désamorcer la grenade lancée par l’agresseur.

 

Claire, qui est aujourd’hui une jeune femme plus qu’épanouie, en déplaise à toi, l’employé de super U, mon agresseur du bus.

 

c6abb02e1e37e6a09f45aaf249c6f019 (1)

11 réflexions sur “Harcèlement scolaire, j’ai connu

  1. C’est vrai je suis d’accord avec ellafaylagaffeleblog. On n’est pas méchant sans raison. Il devait souffrir peut-être de ne pas être reconnu chez lui et il a trouvé en toi sa proie. Comme on le dit, nous on connaît nos faiblesses, on pense qu’on sait les cacher mais certains savent piquer là où ça fait mal. Pour exemple, à 13 ans, j’avais ma taille d’adulte et d’une certaine manière, j’en souffrais. Et bien j’avais comme surnom « la girafe » parce que parmi les élèves de ma classe, j’étais la plus grande. Tu as fait ton chemin, tu t’en es bien sortie et lui, sa méchanceté n’a pas payé. C’était peur-être ça son point faible, il n’était peut-être pas bon élève, ou était limité.

    Aimé par 1 personne

    • Peut être. Je veux bien penser qu’il était lui aussi malheureux mais quoi qu’il en soit, il n’avait pas le droit de m’agresser. C’est ce que j’aimerai lui dire si je retombe sur lui .

      J’aime

  2. Oui je suis d’accord avec toi… Il y a un profil de harcelé… Et c’est pareil ensuite au boulot (j’en ai été victime)… Certaines personnes ont le chic pour repérer les failles et s’en amusent!
    C’est bien d’être arrivée à te construire!!!

    J’aime

  3. J’ai moi aussi été victime de harcelement scolaire et je me suis beaucoup reconnu dans ce que tu disais : le fait de ne jamais rien dire, la fille mal dans sa peau et les questionnements  » pourquoi moi ? « .
    Si tu passes sur mon blog , j’ai egalement consacré un article la dessus.
    Bonne continuation !

    J’aime

Répondre à claire Annuler la réponse.